Centre Maurice Halbwachs

Rémi Sinthon

Reconversions extrascolaires du capital culturel

Une révision de la mobilité sociale depuis ses marges

Les cas d’individus dont la position sociale n’est pas à la hauteur de ce qu’il est raisonnable d’attendre au vu de ce qu’elle a été auparavant sont tout indiqués pour faire ressortir les aspects problématiques des théories de la stratification et de la mobilité sociales. Dans cette optique, il s’agit d’abord de revenir en détail sur la façon dont la sociologie francophone et anglophone a élaboré ces théories depuis la fin du XIXe siècle, en relation avec l’histoire relativement autonome du champ (chap. 1). Il devient alors possible de repérer une série de biais qui aujourd’hui encore restent récurrents dans l’appréhension des positions sociales et de leurs mouvements (chap. 2). Au terme d’un examen de ces biais, de leurs origines et de leurs implications, c’est une approche en termes de reconversion de capitaux qui, parmi celles disponibles, se révèle la plus heuristique (chap. 3). Notamment, contre tout essentialisme, elle tient compte de la pluralité des principes de légitimité et enjoint à identifier les institutions qui les portent et, par là, à comprendre la forme des liens historiques qui les unit et les contraintes qui pèsent sur les conversions des uns vers les autres. Elle est également capable, dans une certaine mesure, de réconcilier les conceptions continuistes et discontinuistes de l’espace social, de cerner mieux que toute autre le sujet pertinent des trajectoires sociales considérées, ou encore d’éviter les ambiguïtés qui tiennent à une partition arbitraire entre causes, effets et composantes de la position sociale.

C’est ainsi que, prenant acte de la prégnance du capital scolaire dans la société française, l’objet d’étude est restreint aux stratégies extrascolaires de reconversion du capital culturel.

À l’exploitation de documents et bases de données d’historiographie de la sociologie fait suite une analyse de l’objet proprement dit, qui prend appui sur une dizaine d’enquêtes de la statistique publique et sur une vingtaine de cas singuliers analysés en profondeur, principalement sous l’angle des conditions de la socialisation.

Sur ces bases est étudiée, en premier lieu, la dimension locale des reconversions (chap. 4), occasion de décrire l’enracinement territorial du capital scolaire et de discuter les concepts de « force des liens faibles », de « capital social » et de « capital d’autochtonie ». L’analyse porte ensuite sur la place que prend le capital économique dans les reconversions (chap. 5), d’abord au prisme des rapports à l’avenir que manifestent les manières de dépenser, puis des usages du patrimoine immobilier, envisagés à travers le cas de ceux qui sont logés par leurs proches. Quant à la place qu’y prennent les stratégies matrimoniales (chap. 6), elle est abordée dans sa complexité au regard de chacune des étapes qui mènent à la constitution d’une famille de procréation, puis est considérée sous l’angle de ses rapports plus ou moins congruents avec les stratégies de séduction. C’est enfin la question de la légitimité des reconversions qui est posée (chap. 7). Dans un premier temps sont expérimentées différentes manières de comparer les légitimités depuis un point de vue englobant, lié à l’État, puis est analysée la grande variété des points de vue sur les légitimités. Dans un second temps, les luttes de légitimité sont observées au plus près des scènes sociales que constituent les groupes de pairs, le groupe familial et la relation d’enquête, par le biais des stratégies de présentation de soi – occasion de pointer une caractéristique centrale des trajectoires considérées, leur résistance à l’objectivation.

Certaines questions traversent les chapitres de cette thèse sans qu’aucun ne leur soit spécifiquement dédié : celle des frontières sociales, celle de l’influence, par l’intermédiaire de la socialisation, des caractéristiques de détail du groupe familial ou des zones résidentielles fréquentées, celle de la santé mentale ou celle des enjeux au sein des groupes de pairs.

Direction

  • Eric Brian

Composition du jury

Choukri BEN AYED, Professeur à l’Université de Limoges (GRESCO), rapporteur
Éric BRIAN, Directeur d’études à l’EHESS (CMH-ETT), directeur de la thèse
Philippe COULANGEON, Directeur de recherche au CNRS (OSC), rapporteur
Gérard MAUGER, Directeur de recherche émérite au CNRS (CESSP-CSE), directeur de la thèse
Dominique MERLLIÉ, Professeur émérite à l’Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis (CESSP-CSE)
Olivier SCHWARTZ, Professeur à l’Université Paris Descartes (CERLIS)

Soutenance

06/11/2014

14h00

École Normale Supérieure, amphithéâtre Ferry, 29 rue d’Ulm, 75005 Paris
Posted on 19/05/2021 par Rémi Sinthon (last update on 22/06/2021)