Centre Maurice Halbwachs

Les suicides des agriculteurs

Pluralité des approches pour une analyse configurationnelle du suicide

Phénomène qui a fait son entrée dans l’espace public à la faveur de la grève du lait de 2009, la propension plus élevée des agriculteurs au suicide ne saurait pour autant se réduire à un phénomène conjoncturel qui ne dépendrait que des fluctuations des cours agricoles. Il s’agit au contraire d’un fait social normal au regard de sa stabilité dans le temps – depuis quatre décennies au moins – et dont l’explication ne se limite pas à la spécificité de leur “genre de vie”, à dominante rurale. Pour comprendre les suicides d’agriculteurs, nous privilégions une approche configurationnelle fondée sur l’articulation de l’analyse statistique des données de mortalité des agriculteurs exploitants et de la collecte de trajectoires de suicidés auprès de “proches éloignés”. Cette thèse teste la fécondité heuristique de la typologie durkheimienne des suicides pour éclairer la pluralité des configurations sociales dans lesquelles les agriculteurs suicidés étaient plongés. La tension entre l’injonction à l’autonomie et la régulation familiale de l’activité agricole qui sous-tend l’imbrication entre les sphères professionnelle et domestique forme le suicide fataliste, type oublié par Durkheim. Affectant plus particulièrement les jeunes, il se distingue du suicide fréquent d’agriculteurs isolés ou qui connaissent une rupture cumulative des liens sociaux. Conduisant à des processus de disqualification symbolique, il renvoie au suicide égoïste provoqué par un déficit d’intégration. Le suicide altruiste s’incarne dans le cas d’agriculteurs proches de l’âge de la retraite qui éprouvent de grandes difficultés à transmettre leur exploitation : il est qualifié comme tel pour souligner le fort attachement de la profession à l’égard de la lignée. La perte de sens des efforts consentis pour maintenir l’indépendance statutaire aboutit quant à elle à une dérégulation propre au suicide anomique, entendue selon l’acception mertonienne d’une disjonction entre les fins promues par la société et les moyens dont disposent les individus pour y parvenir. Ce type de suicide tend à affecter davantage les franges moyennes et supérieures des groupes sociaux agricoles.

Direction

Co-direction

Gilles Laferté

Composition du jury

Christian Baudelot – Professeur – ENS Ulm
Alain Chenu – professeur – Sciences Po
Dominique Jacques Jouvenor – Professeur – Université de besançon
Christelle Avril – MCF – EHESS
Bruno Villalba – Professeur – Agro ParisTech

Soutenance

29/05/2017

14h00

Salle des thèses – MSH de DIjon, 6, esplanade Erasme, BP 26 611 – 21 066 Dijon cedex
Posted on 19/05/2021 par Administrateur (last update on 01/07/2021)