Centre Maurice Halbwachs

La précarité résidentielle à l’aune de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre

Une analyse longitudinale des modes d’hébergement des personnes LGBTQ+ sans logement personnel en Île-de-France

Insaisissables ou invisibilisé·es dans les enquêtes sur l’absence de logement personnel menées au niveau parisien, francilien et national, les personnes LGBTQ+ sont néanmoins présentes et leurs trajectoires résidentielles marquées par une imbrication de discriminations et de soutiens spécifiques. Une approche biographique longitudinale sur trois ans et demi au sein d’une recherche-action menée auprès de 48 enquêté·es LGBTQ+ entre 16 et 35 ans a permis de rendre visible leurs parcours résidentiels et les tactiques d’hébergement employées pour fuir la rue en Île-de-France. La grande majorité d’entre eux et elles étant des personnes exilées dont le statut juridique a évolué au fil du temps, la situation administrative représente un facteur de discrimination majeur dans leurs trajectoires résidentielles institutionnelles.

Dans un premier temps, je montre les effets de la saturation structurelle du système d’hébergement généraliste et du Dispositif National d’Accueil (DNA) sur les personnes LGBTQ+. Pour ce faire j’ai, d’une part, mis en évidence la période de latence entre la date de la première demande d’hébergement réalisée et celle à laquelle la personne a effectivement été hébergée dans un dispositif, la forte mise en mobilité contrainte des exilé·es les plus précarisé·es par leur statut juridique, ainsi que leur surreprésentation parmi les « sorties sèches », c’est-à-dire les fins de prise en charge par l’établissement sans propositions d’hébergement. Je montre, d’autre part, comment ces dispositifs reproduisent des modèles cis-hétéronormatifs via leur organisation spatiale et le manque de formation des équipes, amenant de manière paradoxale à les invisibiliser -via des injonctions au passing cis-hétérosexuel- et en même temps à les surexposer quand iels sont « visibles » et ciblé·es par des discriminations au sein des hébergements. En rendant les questions liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre spécifiques, marginales et reléguées à l’espace privé, ces dispositifs concourent ainsi à vulnérabiliser davantage les personnes LGBTQ+ hébergées.

En l’absence d’une prise en charge institutionnelle, et en raison des conditions d’insalubrité et des discriminations vécues, les personnes LGBTQ+ en précarité résidentielle déploient d’autres tactiques informelles afin d’avoir accès à des hébergements temporaires. Si des travaux ont été publiés sur les personnes sans-domicile accueillies dans des services d’hébergement, sur les personnes habitant dans des formes particulières d’habitat et sur celles sans-abri, il est très difficile d’avoir des informations sur les personnes sans logement personnel hébergées de manière « contrainte » au sens de l’Insee, et temporaire chez des tiers. À travers des entretiens répétés et une approche ethnographique, trois grands types de « réseaux d’hébergement informels » se sont dessinés : les membres de la famille, les personnes LGBTQ+ -du pays d’origine et franciliennes- et les compatriotes cis-hétérosexuel·les habitant en Île-de-France. Ce travail permet ainsi d’analyser les conditions d’hébergement, les coûts et les contreparties demandées contre ces hébergements, en fonction du type de « réseau » mobilisé et des ressources -économiques, administratives, militantes, de genre et sexuelles- détenues par les hébergé·es.

In fine, cette recherche-action a concouru à la création d’un Centre d’Hébergement d’Urgence (CHU) LGBTQ+ « en diffus » à Paris, l’Escale, cordonné par l’association BASILIADE, qui propose un accompagnement pluridisciplinaire -social, médical, psychologique, juridique et professionnel- aux personnes hébergées. Ce dispositif a été conçu avec les enquêté·es, dont une partie a pu en bénéficier à l’ouverture des premiers appartements en 2020 et 2021.

Mots clés 

Sans logement personnel, LGBTQ+, discriminations, hébergement chez des tiers, précarité résidentielle, recherche-action, violences, santé, trajectoires.

Composition du jury

Marianne Blidon, Maîtresse de Conférences HDR, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Rapportrice
Marylène Lieber, Professeure, Directrice de l'Institut des études genre, Université de Genève - Rapportrice
Yaëlle Amsellem-Mainguy, Chargée de Recherche à l’Institut National de la Jeunesse et de l’Éducation Populaire – Examinatrice
Éric Fassin, Professeur, Département de science politique et Département d’études de genre, CNRS / Paris VIII / Paris-Ouest - Président du jury
Marie Loison-Leruste, Maîtresse de Conférences, Université Sorbonne Paris Nord – Examinatrice
Florence Maillochon, Directrice de recherches au CNRS - Directrice de thèse

Soutenance

13/12/2023

14h00
Posted on 11/02/2022 par Webmaster (last update on 14/12/2023)