Centre Maurice Halbwachs

Programme de Recherche SOLIFRO – Octobre 2023 à Septembre 2026

SIGLE/ACRONYME : SOLIFRO

Intitulé long : Aux frontières des solidarités

Responsable scientifique : Saba LE RENARD

Partenaire ou coordinateur du projet : Partenaire

Nom du coordinateur si différent du responsable scientifique : Jane FREEDMAN

Financeur : ANR  (ANR-23-CE41-0016-02)

Date de début : 01/10/2023

Date de fin :  30/09/2026

Présentation synthétique du projet :

Résumé court :

Le programme SOLIFRO vise à étudier les formes de violences qui peuvent advenir dans les actions de solidarité envers les personnes franchissant les frontières françaises. Il a été construit à la demande d’associations œuvrant dans cette sphère, et repose sur trois terrains, aux frontières franco-italienne (Briançon), franco-espagnole (Hendaye/Bayonne) et franco-britannique (Calais). Les quatre axes de réflexion sont les suivants : (1) Comment les collectifs définissent-ils les violences et gèrent-ils les rumeurs et accusations de violence en leur sein ? (2) Quels sont les parcours et les profils des personnes engagées dans les actions de solidarité ? (3) Quels imaginaires et fantasmes sexualisés sont-ils à l’œuvre dans les représentations des personnes franchissant les frontières, d’une part, et des personnes engagées dans les actions de solidarité, d’autre part ? (4) Comment les personnes franchissant les frontières perçoivent-elles ce qu’est la solidarité – de la part de collectifs mais aussi entre migrant·es ?

Résumé long :

Ces dernières années, le soutien de la base aux personnes en migration, en particulier dans les lieux de blocage tels que les zones frontalières, joue un rôle central dans les expériences de mobilité vers et au sein de l’Europe. Les frontières européennes, tant internes qu’externes, sont devenues de plus en plus militarisées et difficiles à franchir, engendrant une violence racialisée et genrée à l’encontre des personnes migrantes du Sud global. Dans le même temps, ces frontières sont devenues des lieux de soutien et de militantisme. Offrir l’hospitalité, des soins, des produits de première nécessité ou des informations pratiques et juridiques, ce soutien – souvent qualifié de solidaire – vise à garantir les droits fondamentaux bafoués par les politiques migratoires sécuritaires et à faciliter la poursuite du voyage des personnes en migration. Malgré un nombre croissant de travaux sur les solidarités aux frontières, la question des violences de genre et sexuelles survenant dans les espaces de la cause des migrant·e·s semble encore taboue. Ce projet vise à comprendre les processus sociaux qui produisent des violences de genre et sexuelles dans les contextes de solidarités aux frontières françaises. Il entend mettre en lumière des violences jusqu’alors invisibilisées, qui semblent faire système dans le contexte politique de fermeture des frontières à certaines migrations et de disparition d’un droit d’asile effectif. Pour étudier ces formes de violence, il s’agit d’identifier les rapports de pouvoir en jeu dans les situations de frontières, en saisissant à la fois les mécanismes structurels et les implications individuelles qui les permettent. Il s’agit de comprendre comment ces violences sont rendues invisibles, créant une hiérarchie des violences aux frontières, entre celles qu’il faut dénoncer et celles qu’il faut taire “pour le bien de la cause”. En abordant les questions des relations intimes, de la sexualité et de la violence sexuelle, l’étude vise à déconstruire les mythes de la solidarité “pure” et forcément légitime en faveur des personnes en migration. La recherche qualitative dans trois zones frontalières – la franco-britannique, la franco-italienne et la franco-espagnole – permettra une analyse détaillée de la (re)production des rapports et relations de pouvoir et de domination entre les acteur·rice·s de la solidarité et les personnes en migration. Elle examinera, à différentes échelles, la (non) régulation des relations intimes entre “solidaires” et “bénéficiaires de la solidarité” dans les différents contextes; il s’agira également d’étudier les parcours des bénévoles/militant·e·s et la manière dont les représentations et les fantasmes de genre et de sexualité façonnent les espaces d’accueil. Cela permettra de mettre en lumière la manière dont la violence de genre et sexuelle est produite, traitée et vécue dans chaque contexte frontalier local. Nous prêterons attention aux différentes formes de violence produites dans ces espaces et à la manière dont elles interagissent avec les pratiques de contrôle migratoire. Il s’agira également de voir comment ces questions sont problématisées de manière différenciée dans les espaces de solidarité queer et hétéronormés. Le projet vise à explorer ces nouvelles pistes de recherche, en particulier en ce qui concerne les liens entre contrôle des migrations, solidarité, sexualité, violence et (re)production de la race et du genre dans les zones frontalières. En outre, la recherche examinera si et comment les personnes en migration résistent à “l’ordre solidaire” en place aux frontières, en particulier dans les domaines de l’intimité et de la sexualité, et quelles formes alternatives de solidarité elles peuvent construire entre elles. Le résultat attendu de ce projet est à la fois de pouvoir ouvrir un nouveau champ de recherche académique et de soutenir concrètement les associations et les collectifs dans la prévention de la violence dans les espaces de solidarité.