Centre Maurice Halbwachs

Une insertion par le jobbing ?

Du travail de plateforme aux usages sociaux d’un petit boulot

Cette thèse traite des plateformes de petits services entre particuliers, couramment désignées sous le terme “jobbing” et en particulier Jobbycat, une entreprise d’insertion par le travail indépendant opérant dans le secteur de l’économie sociale et solidaire. Notre recherche repose sur l’hypothèse selon laquelle pour comprendre pourquoi les acteurs participent aux activités des plateformes il est essentiel d’analyser à la fois le parcours individuel mais aussi le contexte organisationnel. En effet, le travail de plateforme est souvent perçu comme une forme de “petits boulots” ou de travail temporaire, caractérisé par son incertitude, sa courte durée et ses faibles revenus. Cependant, les jobbers que nous avons rencontrés développent un discours positif de ces activités et mettent en avant la flexibilité, l’autonomie et l’esprit d’entraide. Afin d’interroger le rôle de la plateforme dans l’organisation du travail et la manière dont les acteurs le perçoivent nous adoptons une approche par cas en trois parties.  La première partie de la thèse explore les différentes acceptions du terme jobbing et décrit la méthodologie que nous avons employée, en mettant en avant les particularités de notre cas et de notre rapport au terrain. Cette partie montre comment l’hétérogénéité des secteurs et des services auxquels se rattache le jobbing n’implique pas seulement des difficultés pratiques pour le chercheur mais participe à l’usage d’une définition volontairement floue et large de ce qu’est le jobbing, permettant aux acteurs de mobiliser des registres théoriques variés et convaincre le plus grand nombre d’y participer. Les diverses justifications mobilisées par les plateformes contribuent à élargir les frontières du travail à une forme d’halo de l’activité en légitimant des activités ponctuelles et délaissées en tant que sources de revenus. La deuxième partie repose sur l’observation au sein de plateforme et se concentre sur le travail concret accompli par les salariés de Jobbycat et la manière dont le consentement des acteurs est produit et construit au sein de et par l’organisation. Elle met en lumière la capacité de la plateforme à valoriser le travail à la tâche en intégrant le statut de micro-entrepreneur dans un processus d’insertion. Cela s’opère à travers la promotion d’un capitalisme de plateforme social et solidaire analysé comme une forme de travestissement solidaire du lien marchand, mêlant autonomie et contrôle. Cette partie est également l’occasion de mettre en évidence la manière dont cette plateforme s’inscrit dans la dynamique plus globale de privatisation du placement et de l’insertion.  La troisième partie de la thèse repose sur une quarantaine d’entretiens biographiques réalisés avec les jobbers, mettant en lumière leurs représentations et expériences à travers trois formes de jobbing : cumul, rupture et exclusion. Elle met en lumière les attentes professionnelles qui émergent de cette activité tout en soulignant les inégalités de genre et de classe qu’elle reconduit. Notre étude révèle que l’engagement dans le jobbing se comprend comme un attrait pour l’indépendance au quotidien tout en soulignant le fait que le salariat joue un rôle central dans le parcours des jobbers, les incitant à s’engager, à persévérer ou à quitter le jobbing. Notre enquête ethnographique nous a amené à rencontrer des individus aux multiples étiquettes, des travailleurs pluriels pour qui la pratique d’activité de plateforme vient s’ajouter à des revenus, un travail ou encore des statuts antérieurs. Pour décrire ces différents mécanismes nous proposons d’élargir la notion de pluri-activité au profit du concept de travail pluriel.  In fine, notre travail met en lumière la manière dont les acteurs de la plateforme, les jobbers et les institutions s’approprient cette organisation dans un contexte de complexification croissante des parcours individuels, de cumul d’activités et de superposition des statuts et des zones grises de l’emploi et du travail.

Direction

Composition du jury

M. Claude Didry (Directeur de thèse), CNRS
M. Didier Demazière, CNRS
Mme Florence Jany-Catrice, Université de Lille
Mme Sylvie Monchatre, Université Lumière Lyon 2
M. Serge Paugam, EHESS
Mme Bénédicte Zimmermann, EHESS

Soutenance

19/12/2023

09h00

ENS (salle R1-09), 48 boulevard Jourdan 75014 Paris
Posted on 22/08/2023 par Webmaster (last update on 20/12/2023)