Centre Maurice Halbwachs

Quand les “relations sociales” sont un travail.

Pratiques, savoir-faire et carrières de cadres des ressources humaines

Les études sur l’action syndicale, les relations professionnelles et les conflits au travail dans les entreprises ont connu un fort renouveau depuis une quinzaine d’années. La très grande majorité d’entre elles s’appuie sur des enquêtes menées auprès de salarié.e.s et de leurs représentant.e.s. En revanche, les pratiques des acteur.e.s qui, du côté des directions, prennent en charge les « relations sociales » — c’est-à-dire les relations avec les représentant.e.s des salarié.e.s et les syndicats — constituent un angle mort de la recherche en sciences sociales. En interrogeant les ressorts et les effets de l’activité de gestion des relations sociales à partir d’une enquête centrée sur des cadres des ressources humaines, la thèse entend renouveler le regard porté sur les dynamiques des relations professionnelles dans les mondes du travail contemporains. Au carrefour de la sociologie des cadres dirigeant.e.s, des relations professionnelles, du syndicalisme et de la gestion, elle prend pour objet un ensemble de pratiques par lesquelles les cadres des ressources humaines s’accommodent, utilisent ou contournent l’action syndicale et représentative, et gèrent les conflits collectifs au travail. La thèse propose d’éclairer l’activité de ces acteur.e.s en la restituant dans l’épaisseur des rapports sociaux qui se nouent au sein des organisations de travail. Elle interroge les modes de division du travail qui prévalent au sein des directions d’entreprises, qui contraignent les pratiques des acteur.e.s. Elle restitue également ces pratiques à la lumière des propriétés sociales, des socialisations professionnelles et des trajectoires des gestionnaires des relations sociales. À cette fin, un dispositif d’enquête mixte est déployé, qui combine diverses méthodes qualitatives (observations, entretiens, analyse d’archives et de documents) et une analyse statistique. Le sens commun oppose parfois des formes « traditionnelles » et des formes « professionnalisées » de gestion des relations sociales, fondées sur le contournement des syndicats pour la première et sur la pratique du « dialogue social » pour la seconde. Cette recherche analyse comment ces différents registres s’articulent dans les pratiques des gestionnaires des relations sociales, selon des modalités variées en fonction des configurations organisationnelles et des caractéristiques des acteur.e.s. La thèse montre que l’action des gestionnaires des relations sociales s’inscrit au cœur des tensions qui traversent les entreprises, et éclaire le rôle joué par ces dernier.e.s dans le travail de domination patronale. L’étude des pratiques de gestion des relations sociales contribue ainsi à enrichir notre compréhension de la manière dont se configurent les rapports sociaux dans les entreprises, et des mécanismes — parfois fragiles et mis à l’épreuve — de (re)production de l’ordre organisationnel. Du point de vue des gestionnaires des relations sociales, l’appropriation de leur rôle, qui implique dans certains cas de s’engager dans des interactions de face-à-face conflictuelles avec les représentant.e.s du personnel, ne va pas de soi. Cette thèse contribue à dénaturaliser l’exercice de la domination patronale, en rendant compte des dynamiques processuelles de la mise au travail des gestionnaires des relations sociales, à l’aune de leurs dispositions, de leurs socialisations et des contextes organisationnels dans lesquels leur action s’inscrit.

Mots-clés : ressources humaines ; relations professionnelles ; gestion ; négociation collective ; conflits au travail ; cadres

Supervised by

Co-direction

Paul Bouffartigue

Composition of the jury

Mme Sophie Béroud, professeure, Lyon 2 (rapportrice)
M. Cédric Lomba, directeur de recherche, CNRS-Paris 8 (rapporteur)
Mme Rachel Beaujolin, professeure, Neoma Business School (examinatrice)
M. Sylvain Laurens, directeur d’études, EHESS (examinateur)
M. Arnaud Mias, professeur, Paris-Dauphine (examinateur)
M. Michel Offerlé, professeur émérite, ENS de Paris (directeur de thèse)
M. Paul Bouffartigue, directeur de recherche émérite, CNRS (directeur de thèse)

Defence

28/06/2021

14h00

École Normale Supérieure, 45 rue d’Ulm, 75005 Paris, salle Dussane
Publiée le 2021-06-08 par Chloé Biaggi (dernière modification le 2022-01-13)